Texte écrit en 2005 à la reprise de ses études après plusieurs mois d’absence pour soins
Rentrée des classes
Rentrée des classes ; ça fait un bail qu’elle m’attendait
Et il faut dire, elle n’a pas bougé d’un trait
Elle est sur sa chaise plantée comme un piquet :
La prof, Mme Raison, qui ne cesse de me regarder
En bonne enseignante, elle commence par l’appel
Elle ne laissera pas passer un absent éventuel
Premier jour, tout le monde est là : pas de drame
Jusqu’à ce qu’on entame le résumé du programme
Monologue d’une grande architecte
Elle a plein de projets sur lesquels elle s’entête
Mme Raison détaille les plans d’une colossale maison
Tandis qu’à la fenêtre la Passion me fait de l’œil, tel Roméo sous mon balcon
Entre les deux mon cœur balance
Partageriez-vous une petite danse ?
Passion et Raison, chacune à une extrémité
Et moi, j’essaie de composer et d’harmoniser
En cette rentrée, c’est la sagesse qui l’emporte
Mais la Passion toquera peut être à la porte ?
Pour l’instant, face à la Raison, au premier rang
Je fais de mon mieux, mais vraiment, c’est pas marrant
Que dire de notre scène, deux bureaux face à face
Plus je te regarde et moins je me sens à ma place
Toi, t’es nette, impec’…une vieille fille proprette
Moi, je ressemble à une touriste…vraiment pas prête
Ca fait longtemps que j’avais quitté cette classe
Celle des moutons, du berger et de nos yeux las
Promotion 2004, j’étais déjà là, que du bonheur !!!!
Beaucoup de math, des calculs pour éviter les erreurs
Me revoilà après un temps entre parenthèse
Comment te dire, y a comme un malaise
Toutes tes rides, toutes tes failles, c’est les mêmes
Et tu t’en fous que je me démène
Franchement tu m’as pas manqué, je m’étais gérée à l’instinct
Mais si je te croise c’est, forcément, qu’il s’éteint…
Dégoûtée, pourquoi il se barre l’autre naze
Mon instinct valait mieux que toi, pauvre occas.
La Raison, largement plébiscité par ses utilisateurs
Ils ont pas tort c’est sûr, mais plus ennuyeux, tu meurs !
En plus, le cours est long et va falloir être patiente
Ici, on ne sort pas pour une envie pressante…
Nous, élèves, élevés à la carotte et au bâton
Derrière notre attention, des rêves pour lesquels nous nous battons
Désarmés, on cherche des résultats pratiques
Sous une pile de chapitres théoriques
La Raison est notre seule maîtresse
Mais même ses réponses sont tenues en laisse
Pour nos propositions et comme seul horizon : un tableau noir
Est-ce vraiment là que l’on écrit son histoire ?
Les premiers seront peut-être les derniers
Ca c’est mon idée, s’ils savaient ils me riraient au nez
Perso, on ne me fera pas marcher au pas
Je me la joue rebelle : mea-culpa
Moi, je m’évade et regarde par la fenêtre
Ce monde qui semble ne pas me reconnaître
Derrière ma vitre, le Monde me trouve un air de poisson rouge
Et lui, c’est l’océan qui bouge, qui bouge…
Mais fini les vacances !
La raison me réveille, c’est pas de chance
Il est temps de noter les devoirs du soir
Et ça n’en fini pas, à mon plus grand désespoir
Sonne l’heure du repas : sauvée par le gong !
Robotique, je suis le mouvement de mes tongs
On est tous lobotomisés carrément saturés
Et on a dix minutes chronométrées pour déjeuner
N’espère pas évacuer la pression
On parle progression en avalant un bout de jambon
Et si c’est fête, tu apprendras au passage
Quelques potins exaltants des filles de notre âge
Pressons le pas, ne soyons pas en retard
Avec la Raison, on évite la bagarre !
Cet aprem’ c’est un cours de gestion
Rien que d’y penser, je frôle l’indigestion
Tous ces chiffres, toutes ces cases, sur des pages et des pages
Madame, comment vous dire : « on parle pas le même langage »
Dans une heure, elle ramasse les copies
Et là vraiment, mon mot d’ordre c’est : « tant pis »
Mon stylo s’est mis à courir sur ma feuille
C’est un athlète qui veut tout décrire en un coup d’œil
Alors bien sûr, je déraisonne et ça fait désordre
D’ailleurs, la Raison semble prête à me mordre
Et sur mon cahier, au milieu de toutes mes idées qui ont filé
Je souris au portrait de la Raison épinglée
Et oui ma grande, fait toi une raison : je n’ai pas fais mes devoirs
En revanche, je te dédis cette petite histoire !